« Transformer le champ de bataille en église » – Pourquoi sommes-nous chrétiens ?, partie IV
8 septembre 08:30, par ÀQuel.En m’appuyant sur les travaux de Bert Herman, on peut lire Paul de Tarse comme l’architecte d’une religion dont la charpente idéologique préparait la soumission des peuples et ouvrait la voie à l’expansion impériale.
Paul n’a jamais connu Jésus de son vivant. Il fonde sa légitimité sur une apparition personnelle — rapportée par les témoins de manière contradictoire — et n’hésite pas à accuser les apôtres eux-mêmes, choisis par Jésus de son vivant, de prêcher un faux Évangile.
Mais leChrist qu’il annonce n’a plus rien du prédicateur juif du Ier siècle — guérisseur, prophète apocalyptique et contestataire — exécuté par Rome. Paul efface toute trace biographique, toute parole concrète, pour inventer un sauveur abstrait et universel, détachable de son enracinement historique et parfaitement exportable à travers l’Empire.
Pas totalement détachable cependant : comme le rappelle Laurent Guyénot, contrairement à Marcion qui voulait rompre avec le judaïsme, les Pères de l’Église conserveront l’Ancien Testament. LaBible devient ainsi de facto judéo-chrétienne, articulant Ancien et NouveauTestament.
Le Christ cosmique dePaul sert aussi un objectif politique implicite. Dans l’Épître aux Romains(13), il proclame que toute autorité vient de Dieu et que les fidèles doivent s’y soumettre. En une formule, la contestation est neutralisée, la révolte délégitimée, et la docilité transformée en vertu spirituelle. Rome y gagne une arme idéologique : la conquête militaire devient secondaire,la victoire réelle consiste à persuader les peuples que leur obéissance est un devoir sacré.
Les Évangiles, rédigés plus tard, parachèvent ce dispositif en blanchissant Rome par la figure de Pilate qui« se lave les mains »et rejette symboliquement la responsabilité de l’exécution de Jésus. Certes,les responsabilités étaient partagées entre les élites juives et l’occupant romain mobilisé contre le soulèvement des zélotes. Mais le récit canonique détourne la charge et dédouane l’Empire, préparant ainsi une religion d’ordre, apte àse fondre dans l’autorité impériale.
En définitive, Paul deTarse persécuteur des premiers disciples deJésus n’a pas seulement transmis une foi : il a forgé un instrument idéologique universel. En mythifiant la figure du Christ et en érigeant la soumission en principe sacré, Paul a mis en place une construction théologique qui offrait à l’Empire lecadre idéologique nécessaire pour asseoir son autorité et légitimer sa domination mondiale ?

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